Tropiques toxiques ou toute la vérité au sujet du chlordécone

Le samedi 9 Février débutera une campagne de collecte de fonds pour financer un projet d’une grande envergure. Tropiques Toxiques est un futur roman graphique documentaire sur le chlordécone. Ce fameux pesticide utilisé entre 1975 et 1993 dans la culture de la banane en Guadeloupe et en Martinique.

Pour mettre sur pied cet ouvrage d’utilité publique, l’auteure a besoin de nous pour financer ses recherches. À quelques jours du lancement de la campagne, elle a accepté de répondre à quelques questions.

PEUX-TU TE PRÉSENTER

Je suis Jessica Oublié, auteure de « Péyi an ou » (Steinkis, 2017), roman graphique documentaire sur la migration institutionnalisée des départements d’outre-mer vers la France des années 1960 à 1980, autrement connue sous le nom de Bumidom.

PARLES-NOUS DE TON NOUVEAU PROJET

J’ai découvert le chlordécone en février dernier quand je me suis installée en Guadeloupe. Quelques mois auparavant, j’en avais entendu parler sur le net et dans le film « le Rêve français » de France Zobda mais pas suffisamment pour parvenir à mettre des mots clairs sur la réalité que recouvre ce pesticide aujourd’hui aux Antilles. Et puis, j’ai entendu plusieurs sujets TV et radiophoniques quelques semaines après mon installation. Quand j’ai compris qu’il y en avait dans la nourriture que je mangeais (poissons, légumes, viandes, œufs), j’ai eu le sentiment de m’administrer quotidiennement une petite dose « légale » de poison.

J’ai alors décidé de passer aux aliments surgelés et aux conserves qui ne faisaient absolument pas partie de mon alimentation auparavant. Je suis plutôt ce qu’on appelle « une bonne vivante » et depuis plusieurs années, j’avais pris l’habitude de faire mon marché et d’acheter certains produits directement chez leurs producteurs. Mais là, pour la première fois, je réalisais que mon alimentation m’exposait potentiellement à des risques. Quand j’ai découvert que le chlordécone est reprotoxique et foetotoxique, j’ai eu envie de bien comprendre ce « patrimoine » improbable que je lèguerai par la force des choses à mes enfants.

POURQUOI AS-TU CHOISI LA BD COMME MOYEN D’EXPRESSION ?

Ma première BD « Péyi an nou » m’a vraiment permis de mesurer la force de l’image pour rendre accessible un matériau complexe comme l’Histoire et particulièrement celle du Bumidom. L’extrême toxicité du chlordécone est connue depuis presque cinquante ans. La littérature scientifique sur le sujet abonde. Elle fait appel à différentes langues professionnelles : épidémiologie, hydrologie, agronomie, sociologie. Mais elle est au final très peu accessible pour les personnes qui n’entretiennent pas de relation avec ces champs disciplinaires. Et la force de la BD est justement de pouvoir donner du relief et une part d’humanité à des sujets comme le chlordécone qui peuvent nous paraitre étranges, inconnus ou lointains.

COMMENT CHOISIS-TU TES THÉMATIQUES ?

J’ai envie de te dire que ce sont elles qui me choisissent. J’ai écrit sur le Bumidom par hasard, si tant est qu’il existe. Quand j’ai découvert la maladie de mon grand-père et que je me suis aperçue que je ne connaissais rien de son histoire de vie. Le récit de sa migration m’a alors amenée à découvrir les trajectoires des personnes parties dans le cadre de la migration institutionnalisée.

Avant de venir en Guadeloupe, j’avais commencé à écrire un projet sur les enfants non-blancs de la République française, ces fameux Français dits « d’origine », dont j’ai toujours eu le sentiment de faire partie à force de me sentir illégitime dans certaines assemblées où manifestement certaines personnes ne s’attendaient pas à me voir. J’avais d’ailleurs commencé une série d’entretiens avec des femmes de confession juive, des hommes noirs, des descendants de la migration maghrébine. Mais en arrivant en Guadeloupe, j’ai été prise d’un sentiment d’urgence à comprendre et à partager des informations avec le grand public sur cette catastrophe écologique et potentiellement sanitaire qui concerne l’ensemble de mes concitoyens. Et comme mon père est Martiniquais et que le chlordécone concerne nos deux territoires, je me dis que nous sommes potentiellement 800.000 personnes à être concernées par ce travail de vulgarisation de l’information scientifique que je mène à travers « Tropiques toxiques ».

OÚ TROUVES-TU L’INSPIRATION ?

Cogito ergosum. Je pense donc je suis. Eh bien moi, je vis, je réfléchis donc j’écris.

D’AUTRES PROJETS EN COURS ?

Oui, un en particulier dont j’ai déjà parlé à mon éditrice. Une monographie. Mais le projet n’est pas signé donc je préfère ne pas en parler trop tôt. Mais il s’agira encore une fois à travers la BD de mieux faire connaitre l’histoire des Antilles.

La campagne de financement participatif a débuté le samedi 9 février et prendra fin le 24 mars 2019 .

Pour participer à la campagne et plus d’informations cliquez  ICI

2 Commentaires

  1. Superbe interview ! Je kiffe cette femme ! Quel beau projet. J’ai acheté Péyi an nou, ayant découvert ses travaux récemment. J’ai hâte de me plonger dans son ouvrage. Et parler du chlordécone je trouve que c’est vraiment audacieux et original. Je compte participer à la campagne de financement le mois prochain.

    1. Merci Géraldine. Jessica déborde d’énergie et fait partie de ces personnes qui oeuvrent pour bousculer les choses. Pour ce nouveau projet, le soutien de tous est primordial.

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